Un impédancemètre d’antenne HF facile à réaliser

Cette page était sur le site de F5RUJ; mais le lien ayant disparu, j'ai reproduit ici l'article que j'avais conservé. (F5AD)
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Alain CAUPENE (F5RUJ)
Gilbert BENOT (F5AUZ)

Copyright Alain CAUPENE & Megahertz Magazine

Lorsqu’on fabrique soi-même des antennes HF (ou des BALUNS) il est commode d’utiliser un analyseur d’antenne. Un des plus répandus est de la marque MFJ. Il couvre l’ensemble des bandes HF et VHF et n’a qu’un seul défaut : le prix ! C’est le type d’appareil qui peut être acheté par un radio-club et prêté aux membres de l’association, car ce n’est pas un appareil que l’on utilise tous les jours.

Si l’on se cantonne au domaine de la HF (3 à 30 MHz) il sera commode de fabriquer un impédancemètre d’antenne qui occasionnera une dépense très raisonnable surtout si l’on utilise pour l’appareil de mesure un galvanomètre de récupération ou en solde, voire son multimètre.

Cet appareil est décrit en particulier dans le livre d’ André Ducros (F5AD) « Les antennes Théorie et pratique » (Edition SRC 1998 page 413 et suivantes) dont on vous recommande la lecture. Le but de cet article est de donner quelques compléments théoriques et surtout pratiques pour faciliter la tâche de ceux qui voudront le construire.

La théorie : les ponts équilibrés

   Voici le schéma du Pont de Wheatstone. Un courant s’établit dans les quatre résistances R1 à R4 et aussi dans l’ ampèremètre G. En faisant varier la valeur des résistances il est possible de faire en sorte qu’aucun courant ne passe dans l’ampèremètre. Pour cela il faut que la tension au point A soit la même que celle que l’on mesure au point B. Dans ce cas comme il n’y a pas de différence de potentiel entre A et B aucun courant ne pourra s’établir. On dit que le pont est équilibré.

   Calculons la tension en A appelée VA et celle au point B, VB en fonction de la tension de la pile V.

 

VA = V * R2 / (R1+R2)

VB = V * R4 / (R3+R4)

Remplaçons VA et VB par leur valeur et écrivons leur égalité :

V * R2 / (R1+R2) = V * R4 / (R3+R4)

Simplifions en divisant les deux membres par le même nombre V. On obtient:

R2 / (R1+R2) = R4 / (R3+R4)

Effectuons le produit des extrêmes et des moyens dit « produit en croix »

R2.R3 + R2.R4 = R4.R1 + R4.R2

Simplifions à nouveau en ôtant la même valeur (R2.R4) aux deux membres de l’égalité. Il nous reste la formule définissant la condition d’équilibre du pont :

 R2 * R3 = R1 * R4

Si l’on connaît 3 résistances sur 4 il sera facile de calculer la résistance inconnue. L’appareil que nous allons construire dérive de cette propriété qui s’applique également aux courants alternatifs, les résistances étant remplacées par des impédances. Il est donc possible de « mélanger » des résistances pures et des systèmes plus complexes tels que des antennes qui présentent des composantes résistives, capacitives ou inductives. On peut également tester des adaptateurs d’impédance (BALUNS) en les chargeant avec des résistances pures connues pour calculer leur rapport de transformation.

Notes :

1.Historiquement on cite la méthode de Sauty pour mesurer les capacités, celle d’Anderson pour les inductances et celle de Kelvin pour de très petites résistances (shunts) mais ces divers ponts sont tous dérivés du pont de Wheatstone.

2.Nous allons maintenant travailler en courant alternatif et mesurer des résistances, des inductances ou des capacités, mais le principe reste le même, les impédances remplaçant les résistances.

Le schéma de l’instrument

En comparant ce schéma avec le précédent on reconnaît les deux résistances de 47 Ohms qui correspondent à R1 et R3 du pont de Wheatstone. R2 est remplacée par un potentiomètre de 100 à 470 Ohms monté en résistance ajustable (RV). A la place de R4 se trouvera l’antenne ou le système dont on veut mesurer l’impédance et au lieu du générateur de courant continu, il y a un générateur HF : c’est votre émetteur réglé avec une puissance de sortie de 2 ou 3 Watts au maximum.

L’ ampèremètre est remplacé par un ensemble plus complexe composé d’un condensateur, d’une diode et d’un galvanomètre monté en série avec une résistance variable pour ajuster le courant en fonction de la sensibilité du galvanomètre utilisé. (La valeur 100 µA est donnée à titre indicatif). Le rôle de la résistance et du condensateur est de permettre le fonctionnement en courant alternatif en utilisant un galvanomètre banal à courant continu, genre VU mètre de récupération, avec zéro à gauche.

 Lorsque le pont sera équilibré en agissant sur la résistance ajustable (RV) on aura l’équation suivante :

47 * RV = 47 * Z Antenne

En simplifiant par 47 on obtient :

Valeur de la résistance ajustable (RV) = Impédance de l’antenne

   Il suffira donc de tracer un cadran gradué en Ohms pour le bouton de commande. Lorsque l’aiguille du galvanomètre arrivera à zéro, la valeur lue sur la graduation sera égale à l’impédance du système connecté aux bornes X X’.

    Tout cela semble être d’une grande simplicité. Hélas, la pratique nous montre que, souvent le galvanomètre ne vient pas se positionner à zéro (mais il passe par un minimum). Cela est dû au fait qu’une antenne n’est strictement résistive qu’à la fréquence de résonance. La plupart du temps il y aura une composante inductive ou capacitive pour déséquilibrer le pont. Par ailleurs on peut se douter que les composants utilisés ne sont pas des résistances parfaites et que la construction du boîtier, le câblage, peuvent apporter des réactances parasites.

    Comme nous sommes Radioamateurs, donc futés, nous pourrons dépasser ces difficultés. A condition d’être astucieux il est possible de peser juste avec une balance fausse : c’est la double pesée. Nous appliquerons ce principe pour étalonner notre instrument.

 La pratique

Les divers éléments constitutifs

Les résistances : Deux résistances de 47 Ohms 3 Watts non inductives.

Le potentiomètre : L’idéal est d’en avoir deux, un de valeur 470 Ohms et un de valeur 100 Ohms que l’on commutera pour avoir une meilleure précision dans la mesure où nous recherchons souvent une impédance d’antenne s’approchant de 50 Ohms. Il doit pouvoir absorber une puissance de 3 Watts, mais ne doit surtout pas être de type bobiné !

La diode : en principe une diode au germanium (OA95 par exemple) dont le seuil de conduction est faible, mais pour faire de premiers essais on peut utiliser une diode silicium (1N4148) en attendant d’avoir mieux.

L’ instrument de mesure : l’ordre de grandeur mesurable est d’environ une centaine de µA. Des Vu mètres, des indicateurs de charge de récupération fonctionnent bien et la graduation n’a aucune importance dans la mesure où l’ on recherche le zéro. Un multimètre à aiguille peut convenir s’il permet de mesurer de faibles courants et à condition d’ installer des douilles pour le connecter. Un multimètre à affichage numérique convient également, mais en raison de la lenteur de réponse de cet appareil le modèle à aiguille sera plus commode à utiliser.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les multimètres à aiguille ont toujours leur utilité, car ils sont seuls à mettre en évidence des variations très brèves de la mesure, des oscillations TBF, des phénomènes transitoires.

De plus, je leur trouve une grande vertu pédagogique. En effet les OM débutants ont une foi aveugle dans les résultats qu’ils peuvent lire sur le multimètre digital qu’ils ont payé bien cher et annoncent des résultats avec des quantités de décimales sans doute toutes plus fausses les unes que les autres !

Il en va de même pour ces « querelles » risibles entre des OM qui prétendent émettre sur une fréquence tellement précise qu’il faudrait des instruments de laboratoire fort coûteux pour la vérifier.

Au delà de l’ignorance du calcul d’incertitude dans les mesures physiques (Ce n’est pas au programme de l’examen de radioamateur…) j’y vois une forme de fragilité dans la personnalité qui ne peut apparemment se construire que sur des certitudes, alors que la physique en particulier et la vie en général sont faites essentiellement d’approximations, de compromis, de « cotes mal taillées », la seule science exacte étant la mathématique. (Cours de psychologie gratuit pour les lecteurs de Mégahertz Magazine HI !)

Les condensateurs : Le condensateur fixe de 1nF est d’origine quelconque. Prévoir un condensateur variable d’environ 500 pF qui permettra de déterminer si l’antenne est capacitive ou inductive. Si l’on en possède un de plus faible valeur, on peut toujours prévoir de connecter des capacités fixes en parallèle – ce que j’ai fait – mais cela complique la réalisation.

Le boîtier et la connectique :

Il ne semble pas impératif d’utiliser un boîtier métallique, mais personnellement nous avons choisi de le fabriquer avec du circuit imprimé « papier époxy » acheté à très bas prix en solde (Comptoir du Languedoc à Toulouse). En fonction des choix personnels il faudra prévoir des inverseurs ou interrupteurs en suffisance ainsi que des prises d’antennes. Nous avons opté pour les classiques PL

Où trouver les composants particuliers ?

L’ensemble des composants y compris les composants de puissance se trouve sur le catalogue de Conrad Electronic. Nous avons trouvé le galvanomètre en promotion (30F) au Comptoir du Languedoc.

Le câblage

Premiers réglages

Une des différences essentielles de cet appareil avec un analyseur d’antenne est qu’il n’a pas de générateur HF, mais vous en possédez un excellent : votre émetteur décamétrique. Vous le réglerez avec une puissance en sortie de 2 à 3 Watts maximum. Il vous faudra bien entendu un appareil de mesure pour mesurer cette puissance, car, généralement celui du poste, prévu pour 100 Watts, sera rarement assez précis. J’utilise tout simplement celui de ma boîte d’accord d’antenne connectée en position « by-pass » et faible puissance bien entendu. Voici le synoptique du montage à utiliser.

Pour un premier essai procédez de la façon suivante :

oVérifier que le réglage convient sur toutes les bandes de fréquence (Il ne faut pas que l’aiguille aille trop loin, gardez une marge de sécurité).

oPar la suite, quand vous voudrez effectuer une mesure, vous positionnerez le potentiomètre d’accord en butée (pont désaccordé) et vous augmenterez doucement la puissance de votre TX en partant de zéro pour atteindre la fin d’échelle du galvanomètre.

oLorsque la puissance de sortie atteint 1,5 à 2 Watts, si l’aiguille n’a pas dévié, arrêtez tout, il y a un problème de connexions.

Les auteurs et la rédaction de Méhahertz Magazine vous mettent en garde contre une utilisation irréfléchie de ce montage qui pourrait causer des dommages à votre matériel.

L’étalonnage

    On va pouvoir maintenant utiliser notre appareil mais il va falloir l’étalonner. Certains disent qu’il suffit de graduer l’axe du potentiomètre d’accord en Ohms en mesurant sa valeur à l’Ohm-mètre. C’est théoriquement juste si tous les composants utilisés sont parfaits, mais ce n’est jamais le cas. Nous travaillons en HF et même votre câblage va apporter des causes d’erreurs. Pour étalonner efficacement cet instrument je préconise d’utiliser le système de la « double pesée » qui permet de peser juste avec une balance (obligatoirement) fausse !

    Pour mémoire, la double pesée consiste à mettre le corps à peser dans un plateau puis à faire l’équilibre avec une tare (du sable ou n’importe quoi d’autre). On ôte ensuite le corps et on le remplace par des masses marquées de façon à faire à nouveau l’équilibre. On est maintenant certain que la masse du corps à peser est la même que celle des masses marquées puisqu’elle cause la même déviation de la balance.

    Dans notre cas il va falloir se procurer des résistances non inductives de valeurs 50 et 100 Ohms. En les combinant en parallèle ou en série on peut fabriquer des résistances allant de 25 à 450 Ohms que nous connecterons à la place de l’antenne. A chaque fois nous allons effectuer une mesure (galvanomètre à zéro) et tracerons au crayon la valeur correspondante. Il faudra recommencer en changeant de fréquence. On observera certainement que les traits de crayon ne se superposent pas exactement : il faudra apprécier une valeur moyenne.

La mesure

Plusieurs cas se présentent alors

L = 1 / 4.PI2.F2.C

llement effectuées

 Nous avons effectué des mesures comparatives (Analyseur / Impédancemètre) sur l’antenne de la station F5RUJ.

    Nous avons utilisé successivement l’ impédancemètre puis l’analyseur. A chaque mesure nous avons noté le ROS lu sur l’indicateur à aiguilles croisées de notre boîte d’ accord (Dont seule la fonction Watt/ROS-mètre était active bien entendu.)

En voici les résultats.

Valeurs obtenues pour une double antenne WINDOM (FD4 modifiée)

Impédancemètre

Analyseur d'antenne

ROSmètre

QRG

R

pF

ROS calc.

R

X

Z

ROS donné

ROS lu

3,500

80

300

1,6

70

19

80

2

1,6

3,800

90

220

1,8

106

0

106

3,1

1,6

7,040

60

 

1,2

50

10

55

2,6

2,25

10,125

60

170

1,2

39

14

41

1,5

1,1

14,000

25

 

2

20

1

20

2,6

2,25

14,350

50

 

1

29

9

32

2,3

2,2

18,100

25

 

2

27

8

29

1,8

1,55

21,000

50

150

1

46

12

48

1,2

1

21,450

50

50

1

47

8

47

1,2

1

24,920

50

80

1

56

24

60

1,4

1

28,000

55

 

1,1

63

20

65

1,5

1

29,700

60

 

1,2

57

18

60

1,4

1

Nous constatons que mise à part deux mesures (à vérifier…) qui semblent assez différentes et que nous avons écrites en rouge, toutes les autres mesures coïncident largement, à l’incertitude des mesures près. Dans certains cas l’ impédancemètre semble même donner de meilleures valeurs que l’analyseur (ROS réel) : hasard ? Erreurs de mesures dans le « bon sens » ?

            On peut également dire que cette antenne pourra aisément s’accorder sur toutes les bandes HF radioamateur dans la mesure où le ROS ne dépasse jamais 2,25 et qu’elle est excellente à partir de 21 MHz alors que la FD4 normale ne peut pas s’accorder sur cette bande de fréquences.

On peut en conclure que cet appareil vaut largement la peine d’être construit par ceux qui aiment fabriquer les antennes, dans la mesure où il donne des résultats fiables pour une dépense raisonnable et qu’il est facile à construire. Les mesures tentées en VHF (144 MHz) se sont révélées catastrophiques, ce qui était attendu. Nous n’avons pas fait d’essais en 50 MHz car nous ne possédons pas de matériel fonctionnant sur cette fréquence.

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